La vie autour des usines...
Benoit, 75 ans
- Je n’ai pas vraiment connu le travail de la canne ou du sucre,
mais l’usine du Gol me rappelle une anecdote.
J’étais bazardier (vendeur de légumes) et c’est ainsi que j’ai gagné ma vie !
Au début bien sûr, ça n’a pas été facile, j’étais à pied, mon panier sur ma tête.
Je me souviens d’un jour en particulier… J’avais quitté l’Etang-Salé les-Hauts,
comme d’habitude, de bonne heure le matin.
J’étais passé dans tous les petits chemins en criant « Tomates ! Tomates ! »
et même si ma voix portait loin, une fois au Gol, devant l’usine,
je n’avais toujours rien vendu et j’étais désespéré.
Il devait être environ dix heures et il faisait déjà très chaud, c’était l’été…
Je pensais à faire demi-tour lorsque j’ai croisé une vieille femme qui m’a arrêté
« Ah monsieur moi noré bien besoin de tomates mais moi na point l’argent ! » *
J’ai déposé mon panier et j’ai mis dans sa soubique* un bon kilo en lui disant « mi donne à ou »*.
Je me rappelle très bien de son contentement, elle m’a dit
« Ou peux aller, n’a rien que de bonnes choses pou ou. »*
En effet, je n’avais pas fait un kilomètre de plus que j’avais tout vendu !
Après ça mes affaires ont vite évoluées…
C’était peut-être une sorcière… rajoute Benoit avec un petit sourire un peu moqueur…
Les dialogues :
*Ah monsieur, j'aurais bien besoin de tomates mais je n'ai pas d'argent !
*Je vous en donne
*Vous pouvez repartir, il n'y a que de bonnes choses qui vous attendent."
Soubique : la soubique appelée aussi la "tante" est un panier en vacoa tressé.
Il n’est pas toujours facile de transcrire en français sans perdre le charme du créole !
J’essaie de rester au plus près de la manière de raconter de l'apprenant,
en gardant certaines expressions suffisamment imagées pour qu’elles se passent de traduction,
ou en gardant de petits passages en créole, que je traduis en fin de texte.